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Le numéro 601 de Permanences est consacré à la grande peur des élites.
Editorial de Guillaume de Prémare :
Deux « occidentalismes »...
Les développements tragiques du conflit israélo-palestinien ont fait émerger à droite – notamment chez certains LR, chez Reconquête et au Rassemblement national – un récit « occidentaliste » selon lequel l’avenir du monde serait désormais déterminé par une lutte à l’échelle planétaire entre l’Occident judéo-chrétien et l’Islam. Du côté du bloc européiste, un autre récit « occidentaliste » se déploie depuis l’élection de Donald Trump :
il y aurait d’un côté le monde démocratique occidental – désormais orphelin du parrain américain – et de l’autre le cartel des tyrannies, Russie en tête. Ces deux « occidentalismes » entendent cimenter par la peur et la dialectique « ami-ennemi » une identité globale : une identité ethnoreligieuse dite « judéo-chrétienne » pour le premier ; une identité éthique fondée
sur un « socle de valeurs » pour le second, jusqu’à rêver d’une superpuissance européenne surarmée...
Ces deux « occidentalismes » semblent ignorer le monde tel qu’il évolue. Ce que l’on appelle aujourd’hui le « Sud global » continue de s’organiser, notamment autour des BRICS+. En 2024, ce groupe de coopération économique et stratégique – dont l’acronyme désigne le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud – a intégré cinq nouveaux pays :
au Proche-Orient l’Égypte, les Émirats Arabes Unis et l’Iran ; en Afrique l’Éthiopie ; et en Asie du Sud-Est l’Indonésie. Ces cinq pays cumulent plus de 500 millions d’habitants. Désormais, les BRICS+ représentent la moitié de la population mondiale et environ 35 % du PIB mondial.
Et de nombreux autres pays sont candidats sur presque tous les continents... Au sein de ces BRICS+ s’associent des pays chrétiens, musulmans,
hindouistes ou encore athées ; des démocraties et des régimes autoritaires voire totalitaires, des régimes laïques et des régimes religieux, etc. Pour eux, la question des « valeurs communes » ou d’une identité civilisationnelle commune ne se pose pas : ils coopèrent sur la base d’intérêts communs.
Dans ce monde multipolaire, l’intérêt de la France n’est probablement pas de rétrécir sa tradition diplomatique en s’agrégeant à un occidentalisme belliqueux ou un autre, mais plutôt de demeurer une puissance d’équilibre capable de parler et de coopérer avec tous les pôles et peuples du vaste monde.
Guillaume DE PRÉMARE